Trois mois après la nomination du gouvernement Valls, œuvrer à la recomposition de la gauche pour la République sociale

Alors que plus de trois mois se sont écoulés depuis la mise en place du gouvernement de Manuel Valls et alors que s'ouvre la conférence sociale, il est temps d'établir un premier bilan de l'action de ce "gouvernement de combat" nommé en réaction au très mauvais résultat obtenu par le PS aux élections municipales, mauvais résultat confirmé et amplifié à l'occasion des élections européennes.


Contre toutes les accusations de procès d'intention faites à ceux qui, comme nous, dénonçaient les orientations antisociales de ce gouvernement qui a continué et même aggravé la politique de son prédécesseur, nous pouvons, après trois mois, juger sur pièce la politique du gouvernement Valls.

Force est de constater que nos préventions ont été plus que largement confirmées. Dès le discours de politique générale du premier ministre, nous avions obtenu confirmation du maintien du cap de la politique gouvernementale, et même de son accélération. Il n'était presque question que de dénoncer le "coût du travail", de pointer du doigt les "charges", de promettre une "baisse de la dépense publique", etc. Les députés Front de Gauche et écologistes qui ont voté contre cette déclaration, les députés PS, radicaux et écologistes qui s'y sont abstenus, ont eu raison de le faire. Ce n'était pas là la déclaration d'un "gouvernement de combat" mais d'un gouvernement de capitulation, reprenant jusque dans les termes employés les antiennes du MEDEF.

Malheureusement, ce discours n'était que la préfiguration de la logique des choix du gouvernement. Du programme de stabilité à la réforme ferroviaire, de la réforme territoriale au gel des retraites, les mesures emblématiques qui font la cohérence de l'action gouvernementale renvoient toutes aux mêmes objectifs : des économies de bouts de ficelle pour compenser les sacrifices consentis aux entreprises. On en arrive logiquement à évoquer le fameux "pacte de responsabilité". Fait sien dès le premier jour par Manuel Valls, cet ambitieux "pacte", qui n'est que la redite de la désastreuse politique menée sur consigne du CNPF par le gouvernement Chirac en 1986 et qui a échoué à relancer l'emploi, a pris la forme d'une baisse sans précédent de la contribution des entreprises, en échange de contreparties purement verbales.

La violence de ce "pacte", son caractère antisocial particulièrement visible, a suscité jusque dans les rangs de la majorité parlementaire des critiques et des oppositions. Alors que ce que la presse a pris l'habitude de nommer "la fronde" s'est d'ores et déjà étendue bien au-delà de la seule aile gauche du Parti Socialiste, le gouvernement et ses affidés font des pieds et des mains pour circonscrire et délégitimer la contestation, qu'elle soit interne ou externe à la majorité parlementaire. On a ainsi pu voir Bruno Le Roux affirmer que les "frondeurs" "deviendraient en l'espace de quelques minutes les champions de l'orthodoxie la plus forte" si on leur donnait des postes, des menaces de sanction disciplinaire circuler un peu partout et le gouvernement suspendre le vote sur le budget rectificatif de la Sécurité Sociale, qui met en place les premières mesures du "pacte de responsabilité", faute d'avoir pu mobiliser ses troupes.

L'orientation est donc assumée, mais la pression des critiques au sein de la majorité pousse le gouvernement Valls à des contorsions inattendues, sans pour autant la remettre en cause. Cependant il n'y a pas qu'aux pressions des "frondeurs" que le gouvernement est sensible. Aux mesures antisociales prises et assumées viennent s'ajouter des renoncements en rase campagne. Face aux exigences du MEDEF, le gouvernement a décidé de l'ajournement à 2016 de la généralisation du "compte pénibilité", pourtant "contrepartie" dont se gargarisaient le gouvernement Ayrault et ses soutiens pour justifier les reculs sociaux de la réforme des retraites, tandis que la généralisation de "l'ABCD de l'égalité" a été abandonnée suite à une série de campagnes diffamatoires et paranoïaques provenant de franges parmi les plus rétrogrades de la droite et de mouvances proches de la "manif pour tous" et du "printemps français".

La promptitude du gouvernement à céder face aux levées de boucliers du patronat et des conservateurs contraste amèrement avec la rigidité cultivée à l'égard des contestations sociales, comme en témoignent les réactions à la grève de la SNCF et des intermittents.

En trois mois d'action, le gouvernement Valls a démontré par ses agissements son choix opéré en faveur des puissants et du "monde de la finance" dénoncé par François Hollande comme son "adversaire" lors de
sa campagne. Alors que se profile le vote sur le budget rectificatif de la Sécurité Sociale et que les méthodes du gouvernement menacent le déroulement et l'existence même de la conférence sociale, construire des convergences à gauche pour mettre en minorité cette orientation délétère est devenu une nécessité. République et Socialisme entend contribuer à ces convergences et au travail nécessaire de recomposition de la gauche, au service de l'idée de la République sociale, qui doit redevenir un objectif central d'une gauche renouant avec elle-même.